mercredi 8 août 2018

À la recherche de la vérité, deuxième étape.


Journal de voyage d’Aléza Theran.
Deuxième étape, Valfleuri. 

Je n’ai pas ménagé ma monture afin d’atteindre Valfleuri avant la nuit. Cet endroit a longtemps été redouté par les habitants de Richterre, car les rares intrépides qui avaient osé s’y aventurer n’en étaient jamais revenus. Pour tous, c’était une région maudite et peuplée de démons. Mon grand-père y était venu avec le prince Rolan afin de rejoindre Kalick, à l’époque où il vivait ici avec celle qui avait enflammé son cœur. En ce temps-là, des marais parsemés de sables mouvants constituaient un piège mortel pour les voyageurs, mais désormais une verte prairie les avait remplacés.
Kalick et Alban étaient à l’origine de ce miracle et encore une fois mon grand-père était là pour en témoigner. Une partie des habitants de Richterre s’étaient réfugiés ici pour échapper aux monstres qui semaient la terreur un peu partout sur le territoire. Une nuit, ils avaient tous ressenti une vague de chaleur qui avait chassé toutes leurs douleurs et apaisé leur cœur. Au matin, les marais n’étaient plus et devant leurs yeux ébahis se trouvait une étendue d’herbe haute parsemée de fleurs. Mon grand-père fut incapable de m’expliquer ce qui s’était passé, mais ce jour-là les Terres-Sombres avaient disparu pour donner naissance au Valfleuri, un endroit calme et reposant qui n’effrayait plus personne. Comme j’aurais aimé interroger d’autres témoins de cet extraordinaire changement, malheureusement, cela se passait il y a plus de soixante-dix ans et ceux qui avaient assisté à ce miracle n’étaient plus de ce monde. Du moins, j’en étais persuadée.
En arrivant dans le village, je me mis tout de suite à la recherche d’une auberge. J’étais épuisée et mes investigations pouvaient bien attendre que je me sois reposée. Je trouvai bien une place, mais aucun établissement susceptible d’accueillir des voyageurs. À bout de forces, je descendis de ma monture et en la prenant par la bride, je me dirigeai vers un vieil homme qui depuis un certain temps m’observait.
— Bonsoir, où puis-je trouver un endroit où dormir ? lui demandai-je.
— Si tu n’es pas venue pour rendre visite à un membre de ta famille, tu n’as rien à faire ici et tu devras camper à la belle étoile, me répondit-il.
Cet accueil me surprit. Son ton n’était pas vraiment agressif, mais il n’avait rien d’amical non plus. Avaient-ils oublié le sens de l’hospitalité dans ce coin reculé ? J’avais faim, j’étais fatiguée et il faisait trop froid pour envisager de passer la nuit dehors. Je ne m’étais pas encombrée d’une couverture ou de provisions et je n’avais qu’une gourde pour apaiser ma soif. En préparant mon itinéraire, j’avais pris soin de m’arrêter chaque nuit dans un village où je pourrais trouver une auberge ou une simple grange, mais je n’avais pas imaginé une seule seconde qu’on puisse me refuser un abri ainsi qu’un morceau de pain.
— Vous avez une bien étrange façon d’accueillir les visiteurs ! lui fis-je remarquer, un peu énervée.
— Je le reconnais, mais les étrangers ne sont pas les bienvenus. Nous ne désirons qu’une chose : vivre en paix.
— Je ne suis pas une étrangère, répliquai-je, agacée. Je suis de Richterre, tout comme vous, et je ne vois pas en quoi ma présence peut représenter un danger.
— Que viens-tu faire ici ? demanda le vieil homme, d’un ton neutre. Assouvir ta curiosité, comme tous ceux qui sont venus avant toi. Nous n’avons plus rien de commun avec ceux qui habitaient ici autrefois et nous voulons juste qu’on nous laisse tranquilles.
— Je ne suis pas une simple curieuse, mais une historienne. Je souhaite que le seigneur Kalick soit reconnu à sa juste valeur. Non comme un monstre qui a attiré le mal sur Richterre, mais comme un homme bon et courageux qui nous a sauvés.
— Qui t’a mis de telles idées en tête ? demanda-t-il, soudain intéressé.
— Mon grand-père, Faron, il a voyagé aux côtés du seigneur Kalick. Il en parlait comme d’un héros, un être exceptionnel, et en sa mémoire, je veux rétablir la vérité.
— Faron ! Je me souviens de lui et si tu es de sa famille, tu n’es plus une étrangère.
Je le regardai bouche bée en me demandant si j’avais bien entendu. Si mon grand-père était encore de ce monde, il aurait plus de cent ans. Or, personne ne pouvait vivre aussi longtemps ! Certes, celui qui se trouvait face à moi avait le visage ridé, malgré tout, il se tenait bien droit et ne devait pas avoir beaucoup plus de soixante ans. Devant mon expression ébahie, il éclata de rire et me demanda de le suivre.
Mon hôte s’appelle Brohir et une fois arrivé chez lui, il m’a offert un morceau de pain et du fromage pour apaiser ma faim. Tandis qu’il faisait chauffer un peu d’eau pour la tisane, il m’a raconté tout ce dont il se souvenait. Au début, je pensais rendre ce journal public, mais cela sera impossible, car certaines révélations, comme celles que m’a faites Brohir, ne doivent pas être divulguées, du moins, pas tant que la magie sera aussi mal considérée. Néanmoins, je vais continuer à tout noter, pour être certaine de ne rien oublier et, qui sait, un jour le monde sera peut-être prêt à connaître ces secrets.

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